

LAURE / Fragments

NOTES POUR LE SACRÉ
<< Insurgée de bonne heure contre une éducation bourgeoise et catholique, Laure avait (...) trouvé dans un dévouement entier au communisme d'opposition une issue au besoin de donner une signification à sa vie. Les faits l'ayant amenée à rejeter, comme dénuée de valeur, l'activité politique, il lui fallut se relever, selon son expression "de ce grand tremblement de terre qu'est la perte d'une foi". (...)
À travers toutes vicissitudes, la passion que Laure apportait à la recherche de sa vérité ne se démentit pas. Le proverbe de William Blake : " Passez votre charrue et votre soc sur les os des morts" est la dernière phrase qu'elle écrivit, peu de jours avant sa fin, pour indiquer le livre qu'elle voulait relire. Alors que perdue en elle-même elle se disait "au fond des mondes", les mots de "corrida fleurie" sont ceux qu'elle employa pour désigner son agonie.
(...) De certains de (ses) écrits, (...) ses amis les plus proches connaissaient l'existence, mais à aucun d'entre eux elle n'avait estimé devoir les communiquer. Bien qu'une telle réserve puisse sembler suffisamment motivée par le caractère même de la plupart de ces textes et par la rigueur implacable dont Laure usait autant vis-à-vis d'elle-même que vis-à-vis des autres, encore convient-il d'y voir la marque du sens exceptionnement grave - à proprement parler sacré - qu'elle attachait au fait même de la "communication".

Est-il besoin d'ajouter qu'on ne saurait réduire à quelque image définie que ce soit l'une des existences véhémentes, les plus traversées de conflits qui aient été vécues ? Avide de tendresse et avide de désastres, oscillant entre l'audace extrême et la plus affreuse angoisse, aussi inconcevable à la mesure des êtres réels qu'un être de légende, elle se déchirait aux ronces dont elle s'entourait jusqu'à n'être que plaie, sans jamais se laisser enfermer par rien ni personne. >>
Georges BATAILLE & Michel LEIRIS (1939).