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NOTE D'INTENTION

LAURE / Fragments

 

Ce spectacle est né de trois rencontres passionnelles.

La première est celle de Georges Bataille et de Colette Peignot, « qui était visiblement la pureté, la fierté même, effacée ».

La suivante, 60 ans plus tard, lorsque, je lus la thèse de Michel Surya sur Georges Bataille : La mort à l’oeuvre. J’y découvris l’importance de cette rencontre et désirai lire Les écrits de Laure, texte qui m’éblouit et ne me quitta plus.

Je le fis connaître l’an dernier à la comédienne avec qui je travaille depuis trois ans.

Aussitôt elle fut saisie de la même passion et manifesta le désir de « jouer avec ça ».

Je lui laissais le choix des textes

Elle en retint une dizaine pour commencer.

Des fragments, quoi !

D’un texte lui-même fragmenté, fragmentaire.

Qui se dit tel :

Poèmes, fragments, plans de textes à développer :

« Fragments et plans de textes érotiques, »

« Libertinage, étapes de Laure ».

Colette se cherche et crie sa quête passionnée du sacré et de l’absolu, qui passe par un refus du « petit univers en sucre candie ou en pot au feu » où sont « à vendre la folie et la passion ».

De fragments en fragments elle devient Laure.

« Archange ou putain / (elle veut) bien / tous les rôles » s’ils portent la voix de « ceux qui crient dans le désert et hurlent à la lune » leur désir de « Vivre enfin / Ni tourmentante / Ni tourmentée ». Loin des « passions pesantes », mais différente, « perdue », « emportée dans ce vertige » des « moments valables » loin des « propos pour ne rien dire », elle se tient paradoxalement dans un espace où elle affirme à la fois le « besoin du public » et la négation « des autres ».

C’est cette esthétique du fragment qui a construit également notre travail et notre mise en scène.

Sans savoir où cela nous mènerait.

On a d’abord lu un texte, le plus court, mot après mot, dans une diction lente, comme une écriture qui s’invente, en en cherchant les échos sonores.

Puis un autre, le lendemain, de la même façon, sans chercher de lien avec le précédent.

Et, comme ça, tous les jours, pendant quelque temps.

Un chemin s’est dessiné.

Comme un gué.

Traversant les « étapes de Laure ».

Ses passions : politiques, amoureuses, poétiques, érotiques, mystiques… Infinies !

Traversant 8 poèmes, 8 fragments, inégaux en longueur, différents en écriture.

Traitant de la guerre d’Espagne comme des douleurs et des joies de l’enfance ou de l’éros

avec la même haine de l’hypocrisie et la même exigence d’absolu.

Pithiatique, blasphématoire, intolérable même, pour ceux qui se terrent dans « l’assise de la vie matérielle. »

16 pages seulement des 220 que Michel Leiris et Georges Bataille avaient rassemblées et publiées en 1939, un an après la mort de Colette.

 

Cette « mosaïque » de mots, d’états, de paradoxes, a peu à peu imposé le parcours de la comédienne : d’abord sa diction et son déplacement, tenu, voire chorégraphié. De cela est née une scénographie à la fois simple et éclatée, qui essaie de construire, tant par la lumière quasi fixe que par l’espace dessiné, cette dualité évidente de l’écriture de Colette Peignot : fragmentation et élaboration d’un plan.

 

« Je dois m’expliquer avant de poursuivre : j’ai décidé d’écrire ce livre il y a quelques mois mais retardais de le faire, quand tout à l’heure, ayant trouvé dans mes papiers une photographie de Laure,son visage répondit brusquement à l’angoisse que j’ai d’êtres humains justifiant la vie. /…/ La beauté de Laure n’apparaissait qu’à ceux qui devinent. Jamais personne ne me parut comme elle intraitable et pure, ni plus décidément « souveraine », mais en elle rien qui ne soit voué à l’ombre. Rien n’apparaissait.

Elle se parait à l’époque de Berlin avec recherche… bas noirs, parfums et robes de soie de grands couturiers. »

 

Relisant, vingt ans après ma première lecture, et alors que notre travail est déjà bien construit, ces phrases de Bataille, extraites de sa brève Vie de Laure, inachevée, j’ai le sentiment que c’est exactement ce que notre mise en scène tente de « réaliser ».

 

Jean Monamy

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